Le texte se trouve sur Gallica, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k84316s.swf.r=vaugelas.f275.langFR.tableDesMatieres, page 82 et suivantes, que je vous présente avec orthographe et ponctuation modernisées par mes soins :

Ce qu'il dit en fait, c'est que selon la grammaire latine, le genre masculin devrait prédominer, mais il trouve que ça choque l'oreille, parce que ce n'est pas l'usage, qui est la raison décisive. Y compris à la cour. Et allez-y voir vous-même si vous ne le croyez pas.

Un adjectif avec deux substantifs de différent genre.

Exemple, Ce peuple a la coeur et la bouche ouverte à vos louanges. On demande s'il faut dire ouverte ou ouverts. M. de Malherbe disait, qu'il fallait éviter cela comme un écueil, et ce conseil est si sage, qu'on ne s'en saurait mal trouver. Mais il n'est pas question pourtant de gauchir toujours aux difficultés, ils les faut vaincre, et établir une règle certaine pour la perfection de notre langue. Outre que bien souvent voulant éviter cette mauvaise rencontre, on perd la grâce de l'expression, et l'on prend un détour qui n'est pas naturel. Les Maitres du métier reconnaissent aisément cela. Comment dirons-nous donc ? Il faudrait dire ouverts, selon la Grammaire Latine, qui en use ainsi, pour une raison qui semble être commune à toutes les langues, que le genre masculin étant le plus noble, doit prédominer toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble, mais l'oreille a de la peine à s'y accommoder parce qu'elle n'a point accoutumé de l'ouïr ainsi de cette façon, et rien ne plait à l'oreille, pour ce qui est de la phrase et de la diction, que ce qu'elle a accoutumé d'ouïr. Je voudrais donc dire ouverte qui est beaucoup plus doux, tant à cause que cet adjectif se trouve joint au même genre avec les substantifs qui le touche, que parce qu'ordinairement on parle ainsi, qui est la raison décisive, et que par conséquent l'oreille y est toute accoutumée. Or qu'il soit vrai que l'on parle ainsi d'ordinaire dans la Cour, je l'assure comme y ayant pris garde souvent, et comme l'ayant fait dire de cette sorte à tous ceux à qui je l'ai demandé, par une certaine voie qu'il faut toujours tenir, quand on veut savoir assurément si une chose se dit, ou si il ne se dit pas. Mais qu'on ne s'en fie point à moi, et que chacun se donne la peine de l'observer en son particulier.